L’histoire d’un mot polysémique
Le mot « francophonie » est né en 1880 sous la plume d’Onésime RECLUS, un géographe français qui employa pour la première fois ce mot dans son ouvrage « France, Algérie et colonies » paru en 1886 dans le contexte de l’expansion coloniale.
Tombé dans l’oubli, le mot « francophonie » renaît dans les années 1960 au moment de la décolonisation sous l’impulsion de quatre personnalités de pays nouvellement indépendants.
Le Sénégalais Léopold Sédar SENGHOR, le Tunisien Habib BOURGUIBA, le Nigérien Hamani DIORI et le Cambodgien Norodom SIHANOUK multiplient les rencontres pour construire une communauté francophone internationale.
Ils sont considérés comme les pères fondateurs de la Francophonie.
Source de l’image des pères fondateurs : https://www.francophonie.org/de-lavenement-de-la-cooperation-francophone-jusqua-aujourdhui-914
Léopold SENGHOR, homme d’État et écrivain (1906-2001) aurait alors dit :
« Dans les décombres du colonialisme, nous avons trouvé cet outil merveilleux – la langue française.
La colonisation a été une aventure humaine. Comme toute aventure humaine, elle a charrié de la boue et de l’or.
Pourquoi ne faudrait-il prendre que la boue et ne pas retenir les pépites ? »
La signature de la Convention de Niamey (Niger), le 20 mars 1970 par les représentants de 21 États et gouvernements, représente l’acte fondateur de la Francophonie en créant une « nouvelle organisation internationale » : l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT). Bien que le mot de Francophonie ne soit pas écrit, ses valeurs de rapprochement des peuples, de solidarité et de respect de la diversité sont énoncées par 21 États et gouvernements qui ont le français en partage.
L’article 1er de la Convention de Niamey stipule :
« Le but de l’ACCT […] est de promouvoir et de diffuser les cultures des Hautes Parties contractantes et d’intensifier la coopération culturelle et technique entre elles. L’Agence doit être l’expression d’une nouvelle solidarité et un facteur supplémentaire de rapprochement des peuples par le dialogue permanent des civilisations. Les Hautes Parties contractantes conviennent que cette coopération devra s’exercer dans le respect de la souveraineté des États et de leur originalité. »
Découvrir le texte entier de la Convention de Niamey du 20 mars 1970.
En 1998, l’ACCT deviendra l’« Agence intergouvernementale de la francophonie » puis, en 2006 l’« Organisation internationale de la Francophonie » (OIF). Notons qu’un an auparavant, la Conférence ministérielle de la Francophonie d’Antananarivo (Madagascar, 23 novembre 2005) adopte une nouvelle Charte de la Francophonie qui rationalise les structures de la Francophonie et ses modes de fonctionnement.
En 2010, l’Organisation des Nations-Unies (ONU) institue les « Journées de la langue » pour célébrer le multilinguisme et la diversité culturelle en son sein, à travers les six langues officielles des Nations-Unies : l’anglais, l’arabe, le chinois, l’espagnol, le français et le russe. Dans ce cadre, chacune de ces six langues dispose d’une journée dédiée. La date du 20 mars a été choisie pour célébrer la Journée de la langue française.
Remarquons que la même date du 20 mars a été choisie par l’OIF en référence à celle de la signature – le 20 mars 1970 – de la Convention de Niamey pour célébrer, chaque année, la Journée internationale de la Francophonie.
Par ailleurs, à côté du terme « Francophonie » désignant le système institutionnel francophone, celui de « francophonie » (avec un f minuscule) est employé en référence au fait de parler français ; langue qui n’est pas exactement la même en France, continentale et d’outre-mer, ainsi que dans les autres pays francophones.
Le terme de « francophonie » permet également de désigner – en opposition à la « Francophonie » institutionnelle de l’OIF – les initiatives et acteurs de la société civile œuvrant à la promotion de la langue française. Les « francophonies », au pluriel, permettent quant à elles de mettre en relief la diversité culturelle au sein du monde francophone.
En conclusion, rappelons-nous des mots écrits par Abdou DIOUF, Secrétaire Général de l’OIF (2003-2015), dans sa Tribune dans le quotidien Le Monde publiée le 19 mars 2007 et intitulée « La francophonie, une réalité oubliée » :
« La langue française n’appartient pas aux seuls Français,
elle appartient à toutes celles et à tous ceux qui ont choisi de l’apprendre, de l’utiliser,
de la féconder aux accents de leurs cultures, de leurs imaginaires, de leurs talents. »